« Chez Tsonga, tout était réuni »
Sophie DANGER - jeudi 24 janvier 2008 - 14h37
Yvan Paquet, docteur en STAPS, s’est penché sur « le cas » Tsonga. Le spécialiste de la psychologie du sport évoque le flow, un état particulier qui permet au sportif de réussir tout ce qu’il entreprend.
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Yvan Paquet, Jo-Wilfried Tsonga, dont la carrière a été longtemps entachée par les blessures, s’est offert le scalp de Nadal et une finale de Grand Chelem. Comment expliquez-vous sa décontraction à l’heure d’entrer sur le court ?
Lorsque l’on a des difficultés et que l’on essaie de les surmonter, on revient avec un mental un peu plus fort. Après, en ce qui concerne le match d’aujourd’hui, il faut évoquer un état que l’on appelle le " flow " et qui se voit de temps en temps chez les sportifs. Cet état veut que tout ce que l’on entreprenne réussisse. Je donne un exemple dans mon livre qui concerne Michael Jordan. Lorsqu’il bat son record de trois points en finale NBA, tout ce qu’il shoote rentre. A un moment, il regarde le public avec l’air de dire que ce n’est pas lui qui est en train de faire cela car c’est trop facile.
Peut-on parler, à l’inverse, d’excès de confiance ?
Ce n’est pas de l’excès de confiance. La confiance en soi est là mais également la décontraction, l’impression que tout va. Même s'il y a échec sur la route, ce n’est pas grave, on se relance immédiatement.
Patrice Hagelauer décrivait un Tsonga euphorique mais néanmoins très concentré...
C’est ça. C’est un état particulier. Dans toutes les théories où l’on évoque les relations entre anxiété et performance, il y a ce que l’on appelle un état idéal de performance. Beaucoup de conditions doivent être réunies pour y parvenir comme le fait de devoir relever un challenge, de croire en ses capacités. Je pense que, pour lui, tout pouvait être réuni à ce moment-là.
Il avait, auparavant, plié face à Nadal à l’US Open, un joueur qu’il admirait. Là, aucun parasite n’est venu entraver sa progression. Pourquoi ?
Pour avoir du flow, il faut que cette idée de challenge soit là, combinée à l’idée que l’on peut relever le défi et que l’on peut y arriver. Lorsque, comme Tsonga, on revient d’années de blessures, on n’a rien à perdre. Il se serait incliné contre Nadal, personne n’aurait rien dit.
« Une absence de contrôle au bon sens du terme »
Cet état n’est-il que passager ou peut-il perdurer ?
C’est un état passager qui, en théorie, ne dure même pas le temps d’un match. Je ne suis pas persuadé qu’il jouera aussi bien en finale.
Quelle différence faire entre flow et mental ?
Le flow est un peu un état d’euphorie, un état où tout ce que l’on tente réussit. Mais il y a eu une mise en condition auparavant avec cette idée de challenge, de défi, de confiance en soi. Un peu l’idée d’absence de contrôle mais au bon sens du terme.
Qu’est-ce qui pourrait le faire chuter en finale ?
Peut-être un excès de confiance mais je ne pense pas que cela soit le cas avec lui. Peut-être un trop plein de pression. Ça va être à lui de bien gérer.
Le fait de ne pas réaliser la portée de son exploit peut-il l’aider à se préserver ?
Si il commence à réaliser maintenant, ce n’est pas forcément bon. Bien souvent, quand on commence à prendre conscience que l’on a réalisé un exploit, la pression retombe.
Yvan PAQUET, Docteur en STAPS, spécialiste de psychologie du sport, www.psychocsie.fr, yvan.paquet@psychocsie.fr
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